Il n’y aura pas de concert à l’Arrosoir au deuxième trimestre et il nous est pour le moment impossible de prévoir une reprise.

 

Depuis quelques mois, nous avons évoqué à mots couverts le grave problème structurel qui menace l’existence même de ce lieu, il est temps désormais de l’exposer précisément et de le porter à la connaissance de tous.

Nous avons conscience que cette annonce a de quoi surprendre. Avec son activité foisonnante, son histoire et sa reconnaissance auprès des artistes et du public, c’est d’abord une impression de bonne santé et de dynamisme que dégage l’Arrosoir. Cette impression n’est pas fausse mais elle est trompeuse.

Elle n’est pas fausse car les faits sont là.

L’Arrosoir est aujourd’hui très bien identifié et jouit d’une excellente réputation. Il développe de nombreux partenariats et des collaborations avec les différents acteurs culturels du Grand Chalon (Conservatoire à Rayonnement Régional, l’Espace des Arts, LaPéniche, la Méandre…). Il est un élément moteur du Centre Régional du Jazz en Bourgogne Franche-Comté et l’un des chouchous des musiciens sur le territoire national, tant par l’accueil que par la qualité du son, sans oublier la qualité d’écoute de la part du public.

 

Chaque saison, la programmation fait découvrir à plus de 2 500 spectateurs des musiques d’aujourd’hui peu prisées des médias.

Chaque saison, l’Arrosoir accompagne des dizaines de musiciens et musiciennes, professionnel-le-s ou en voie de professionnalisation avec une centaine de jours dédiée à la résidence, enregistrement, vidéo…

Chaque saison enfin, des actions culturelles hors les murs, conçues en concertation avec des partenaires variés (maisons de quartier, écoles, centre pénitentiaire, résidences spécialisées…), apportent une présence vivante de la musique à des publics qui ne poussent pas les portes des salles de concerts.

En 10 ans, ces activités ont évolué.

De 23 concerts en 2013, nous en avons programmé 36 en 2022.

De 28 jours de répétitions en 2013, nous avons accompagné 108 artistes en 2022 lors de 93 journées de résidence, avec une aide à la structuration et une expertise dans différents domaines (communication, technique, gestion administrative et budgétaire…).

Bref, depuis dix ans, l’Arrosoir s’est constamment adapté et renouvelé pour répondre à des évolutions de fond et se positionner quant à un besoin clairement identifié sur le territoire.

 

Alors pourquoi cette impression de bonne santé est-elle trompeuse ?

Pour le comprendre, il suffit d’examiner l’évolution parallèle de son financement public sur la même période. En 2013, les cinq financeurs institutionnels de l’Arrosoir (Ville de Chalon, Grand Chalon, Département de Saône et Loire, Région Bourgogne Franche Comté et DRAC Bourgogne Franche Comté) lui ont attribué 88 383 euros de subventions. En 2023, ils promettent 83 111 euros.

88 000€ en 2013, 83 000€ en 2023

Le coût des concerts est en hausse, toutes les charges fixes augmentent, les besoins des artistes dans leur pratique sont de plus en plus importants, et nous percevons moins d’aides au fonctionnement qu’il y a dix ans !!

 

L’Arrosoir d’aujourd’hui, c’est une structure professionnelle qui a un projet et une politique. Ce projet et cette politique reposent sur le travail de DEUX salariés épaulés par une équipe bénévole.

La présence de ces deux salariés, qui permet un fonctionnement professionnel de l’activité, l’Arrosoir n’en a bénéficié, en différentes périodes, qu’à la faveur de contrats aidés ou d’aides à l’emploi. Quand ces aides cessent, le retour à la réalité des chiffres est implacable : le budget de fonctionnement n’autorise qu’un seul salarié.

Le 28 mars dernier, nous avons réuni dans la salle de l’Arrosoir l’ensemble de nos financeurs pour réfléchir avec eux comment mettre fin à cette précarité récurrente et structurelle dans laquelle nous sommes contraints d’évoluer depuis des années.

Sur la question primordiale de l’emploi, nous leur avons rappelé que nous ne sommes pas une jeune association qui débute et devrait, pour se lancer, recourir aux contrats aidés. Après 52 années d’existence, qui peut sans honte nous demander de continuer à puiser dans le vivier de la précarité, garder quelqu’un deux ans avec des aides, puis nous en séparer et recommencer avec quelqu’un d’autre ?

Après des années passées à jouer au funambule, la lassitude et la réalité des finances ont aujourd’hui raison du fragile équilibre de l’Arrosoir. Tout ça n’est simplement plus possible. Nous avons besoin d’un budget augmenté pour être à même de salarier enfin deux personnes de manière pérenne, deux personnes qui puissent travailler sereinement, sans être plombées par une incertitude constante sur leur avenir, sans que leur horizon se limite à chaque fois à la fin des aides dégressives.

Voilà tout ce que nous avons dit à nos partenaires.

Eux ne nous ont presque rien dit et la vérité est que cette table ronde a échoué.

Il n’y aura pas de politique culturelle coordonnée entre nos financeurs pour sauver l’Arrosoir. Sans doute pour deux raisons principales : d’une part une incapacité à mesurer l’efficacité et l’utilité d’un lieu intermédiaire comme le nôtre, d’autre part la perpétuation d’une répartition des aides qui continue à privilégier les plus visibles au détriment des plus petits mais non moins structurants.

 

La réalité, c’est que ce que fait l’Arrosoir compte pour du beurre. Faire découvrir des musiques à un prix abordable, déclarer les musicien-ne-s et technicien-ne-s en vertu des conventions collectives, respecter des règles et règlements toujours plus complexes, soutenir les projets émergents, aller vers les personnes qui ne constituent pas son public habituel, accueillir les auditions d’élèves et les examens du CRR et les écoles de musique du territoire, travailler en réseaux avec d’autres salles et festivals, ouvrir la scène aux amateurs… Tout ça compte pour du beurre, tout ça ne mérite pas d’être sauvé.

 

Il nous est aujourd’hui impossible d’assurer notre activité, impossible de projeter cette fin d’année 2023, encore moins l’année prochaine. Se dessine alors, à très court terme le scénario le plus sombre, avec des décisions contraintes immédiates :

  • le gel de la programmation professionnelle dès le 2° trimestre 2023.

Il n’y aura pas de concerts à l’Arrosoir d’ici la rentrée et peut-être plus du tout en 2023.

  • la diminution de l’ensemble de nos dépenses pour éviter à tout prix la cessation de paiement.

 

Jusqu’en juin, nous maintenons uniquement les résidences prévues, et plusieurs rendez-vous avec le Conservatoire.

Mais cet automne ? Mais l’an prochain ? La mort de l’Arrosoir est désormais une hypothèse possible, probable, et même le seul scénario au vu des différents éléments.

Alors que faire ? La vérité est que nous ne savons pas. Nous allons continuer à réfléchir, continuer à explorer des pistes, en parler avec d’autres, examiner des solutions expérimentées ici ou là.

 

La mort de l’Arrosoir, nous avons encore beaucoup de mal à y croire.

 

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