Fin de l’activité, dissolution de l’association et licenciement des deux salariés : l’Arrosoir cessera d’exister officiellement à la rentrée prochaine, lorsque la décision prise récemment sera entérinée par une assemblée générale extraordinaire, conformément aux statuts.


C’est un énorme gâchis. Le public chalonnais ne se verra plus proposer ces formidables jazz d’aujourd’hui à un tarif modeste et dans un lieu magique, les musiciens seront privés d’un lieu de diffusion et de résidence qui les respectait et les accompagnait, où ils pouvaient à la fois mûrir leurs projets et jouer en étant déclarés et rémunérés, les personnes qui ne fréquentaient pas l’Arrosoir ne bénéficieront plus d’actions culturelles où la musique venait cordialement leur rendre visite, sur leur lieu d’existence.

Lors de la table ronde du 28 mars dernier, nous avons constaté l’absence d’une volonté collective de nos partenaires d’aider l’Arrosoir à maintenir les deux postes qui lui permettent d’assurer ses missions. Après une longue réflexion sur les alternatives possibles, le Conseil d’Administration de l’Arrosoir a finalement décidé de mettre fin à une aventure humaine et musicale de 52 ans. Il l’a fait en plein accord avec ses deux salariés, épuisés de devoir travailler dans une absence totale de visibilité sur leur avenir et dans le bricolage financier permanent qui nous est imposé depuis des années.

Cette disparition aurait pu intervenir bien plus tôt. A plusieurs reprises, depuis quinze ans, nous avons fait le gros dos, réduit la voilure, cherché des solutions, recouru aux contrats aidés, fait appel au soutien du public et des musiciens… Nous avons résisté, portés par l’amour de ces musiques et l’énergie collective d’une association qui a su constamment évoluer et se réinventer. Le dernier bilan d’activité, celui de l’année 2022, fait état d’une activité foisonnante et d’une exceptionnelle richesse.

Depuis longtemps, l’Arrosoir vivait donc en sursis, jouissant de chaque concert, de chaque résidence, de chaque action culturelle avec bonheur et gourmandise, comme on pourrait le dire d’une personne en rémission d’une maladie, savourant chaque instant comme un rab inespéré d’existence.

Notre maladie à nous se nomme sous-financement chronique et absence de reconnaissance du travail accompli.

En 2022, les subventions de fonctionnement reçues par l’Arrosoir étaient inférieures à ce qui nous était alloué en 2013. Dans le même temps, toutes les charges fixes avaient considérablement augmenté, ainsi que le coût des concerts.

La réalité, c’est qu’aux yeux de nos financeurs, ce que faisait l’Arrosoir comptait pour du beurre. Faire découvrir des musiques à un prix abordable, payer décemment les musiciens, payer ses salariés en vertu des conventions collectives, respecter les règles et règlements toujours plus complexes, soutenir les projets des jeunes musiciens, aller vers les personnes qui ne constituent pas son public habituel, accueillir les auditions d’élèves et les examens du Conservatoire à Rayonnement Régional, collaborer avec la scène Nationale – Espace des Arts, ouvrir la scène aux amateurs… Tout ça comptait pour du beurre, tout ça ne méritait pas d’être sauvé.

Pourquoi alors nous finançaient-ils depuis des années ?

Par habitude, probablement. L’Arrosoir était dans le paysage depuis 1971. Dans les années 90, la DRAC nous avait dit « si vous vous professionnalisez nous vous soutiendrons ». La professionnalisation de l’Arrosoir a été lente, progressive, jamais déraisonnable. Depuis plusieurs années, nous faisions le constat qu’un fonctionnement à deux postes pérennes (25 ans après l’arrivée du premier emploi jeune !!!) était devenu indispensable. Ça n’était pas avoir les yeux plus gros que le ventre, c’était simplement s’adapter à des situations nouvelles, à une administration plus complexe et plus chronophage, à un besoin croissant d’accompagnement des jeunes musiciens, à la nécessité éthique d’aller aussi au devant de ceux qui ne poussent pas les portes des salles de concerts…

Donc, nous étions financés par habitude, certainement pas en fonction d’une politique culturelle, car il n’y a pas de politique culturelle. D’une année sur l’autre, les financeurs reproduisent mécaniquement leurs pratiques, sans se concerter entre eux, mais dans la même logique : de grosses sommes aux gros, de petites aux petits. Si les petits évoluent et ont structurellement besoin d’un peu plus, il n’en est pas tenu compte, ce serait trop compliqué d’affiner l’analyse, de réfléchir autrement, de corriger les disparités et de co-construire un paysage culturel diversifié, où chacun peut exister et jouer son rôle, grosses structures, lieux intermédiaires et petites initiatives, avec de possibles collaborations entre elles, ce que par ailleurs l’Arrosoir a fortement développé, à son échelle, depuis 10 ans.

L’Arrosoir n’est pas le premier lieu intermédiaire à disparaître et ne sera pas le dernier. Le secteur culturel vit une restructuration rampante, qui ne dit pas son nom, mais à laquelle conduit directement le comportement de ses financeurs, qui oscillent entre la reconduction de l’existant et des choix qui semblent faits par défaut. Est-ce un bon choix, celui de soutenir la production en oubliant totalement le secteur de la diffusion ? Où les musiciens de jazz joueront-ils leurs créations dans des conditions d’accueil décentes si les lieux disparaissent les uns après les autres ?

Les choix dommageables, ce sont aussi ceux de la Ville de Chalon, quand elle décide en 2015 d’amputer de 25% les subventions des associations, ce qui en fragilisera certaines très gravement, dont l’Arrosoir, et enverra un signal négatif aux autres financeurs. Elle ne sera pas plus clairvoyante ni ambitieuse en ignorant la richesse potentielle qui aurait pu résulter d’une synergie entre les structures musicales chalonnaises. Le projet d’un Pôle musical chalonnais réunissant l’Arrosoir et la Péniche, en collaboration avec le Conservatoire (CRR), dans une mutualisation équitable des moyens et dans le respect de l’identité musicale de chacun avait pourtant été mis noir sur blanc, dès 2013, par les trois partenaires. Il n’a rencontré aucune volonté politique pour se concrétiser et la Ville se contentera, elle aussi, de financer les structures par habitude, au regard de situations historiques anciennes, sans jamais envisager la moindre évolution.

Au bout du compte, il manquait 45 000 euros par an à l’Arrosoir pour parvenir à maintenir un deuxième emploi de manière pérenne et assurer correctement ses missions. Les cinq financeurs institutionnels, Ville de Chalon, Grand Chalon, Département, Région et DRAC Bourgogne Franche-Comté, n’ont rien tenté pour les trouver et pour sauver un lieu historique du jazz en Bourgogne-Franche-Comté.

45 000 euros ! Avec un peu de curiosité, chacun sera à même de comparer ce qui nous a manqué, à d’autres dépenses effectuées par ces cinq institutions et collectivités.

C’est peu de dire que toute l’équipe de l’Arrosoir, bénévoles et salariés, est triste au moment de signer ce communiqué. Mais c’est aussi peu de dire que nous sommes fiers de tout ce qui a été accompli, par vents et marées, pour accompagner ces si belles musiques qui font exister plus fort ceux qui les jouent et ceux qui les écoutent. L’aventure de l’Arrosoir est terminée, il reste un flambeau à reprendre, comme on dit…

L’équipe de l’Arrosoir.

A Chalon-sur-Saône le 11 juillet 2023

 

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